• Jeanne

    Elle s’appelait Jeanne, elle était née en février 1921, on l’appelait Nanno ou Jeannot, je l’appelais « maman ». Aussi loin que je me souvienne, ses bras étaient pour moi, l’asile le plus doux et j’en rêve encore.   Issue du milieu ouvrier, sa mère était lavandière et son père qui avait été gazé pendant la guerre de 14/18 était chaudronnier. Elle était allée peu à l’école, des problèmes de santé l’avaient tenu éloigné de la communale. A 14 ans elle était partie en usine, pour travailler dans la métallurgie. A 15 ans elle avait fait les grèves de 1936 avec sa sœur et son père qui travaillaient dans la même usine. Elle a toujours gardé de cette période là, l’idée que les richesses doivent être partagées. Sa maison et sa table étaient toujours ouvertes, malgré nos faibles revenus.   Le souvenir le plus lointain que j’ai de son visage était accompagné de bruits, de feu et de fureur. Je revois son visage prés du mien, nous étions couchées sur le sol, dans un nuage de poussière et de fumée dans un bruit assourdissant. Mais je n’étais pas effrayée, d’ailleurs à cet age là, que connaît on de la peur lorsque l’on est dans les bras de sa mère. Cela se passait lors de la libération de Lyon en septembre 1944, j’avais 18 mois.   Notre vie n’a pas été drôle tous les jours, comme tous les gens de ma génération, mais je n’en ai gardé que les bons moments. Parfois lorsque je pense très fort à elle, des odeurs de ma jeunesse me reviennent et je la sens prés de moi. Ce sont des instants fugitifs d’indicible bonheur.   En 1965 elle nous a quitté après 6 années de souffrance, une sclérose en plaques avait été détectée en 1959, j’avais alors16 ans et je refusais d’admettre que cette maladie était incurable. J’en voulais terriblement à mon père qui m’avait annoncé ce verdict. J’ai toujours refusé de l’admettre.    Il m’arrive de la retrouver dans un rêve récurent, elle est guérie et elle marche, je la retrouve après une longue absence comme si elle sortait du coma. Je suis heureuse, heureuse, mais ce n’est qu’un rêve.   Lorsqu’elle est partie, elle avait 44 ans et cette année là, elle avait juste le double de mon age. Je n’ai jamais vécu avec elle ces moments un peu fous de l’adolescence ou les mères et les filles sont complices, ou l’on pourrait passer facilement pour des sœurs. J’étais alors mère de jumeaux depuis 10 mois, elle n’a pas pu participer activement ni à ma grossesse ni à la naissance de ses petits enfants, et elle disait souvent qu’elle réapprendrait à marcher en même temps qu’eux.   Voila 40 ans que je vis sans elle. Je peux dire que je ne me suis jamais remise. Elle adorait les fleurs. Elle disait aimer beaucoup les œillets, je sais qu’elle préférait les roses, les roses étaient un luxe en ce temps là C’est pour elle que je plante des rosiers à profusion dans mes jardins. J'’ai toujours pleuré en entendant la chanson « les roses blanches » comme si je savais que cette chanson était prémonitoire.   

    Je ne planterais jamais assez de roses pour elle.

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    « Un air de nostalgieMES ROSES »
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